Histoire 25 février 2012

Notes du passé – Des insultes à interpréter a contrario

L’impureté chasse l’impureté ». Dans le centre de l’île, l’esprit malin est chassé avec de l’urine ; le mauvais esprit personnifié dans le « lolompaty » (revenant) est chassé avec le balai qui sert par ailleurs à repousser dehors les saletés et les excréments des volailles ou autres animaux.Ailleurs, lors d’une cérémonie de changement de […]

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L’impureté chasse l’impureté ». Dans le centre de l’île, l’esprit malin est chassé avec de l’urine ; le mauvais esprit personnifié dans le « lolompaty » (revenant) est chassé avec le balai qui sert par ailleurs à repousser dehors les saletés et les excréments des volailles ou autres animaux.
Ailleurs, lors d’une cérémonie de changement de nom, le parrain met de la bouse de vache (taimboraka) sur la tête du filleul et lorsque les parents et alliés se répètent ce geste, ils se purifient. Lorsque l’on met du « taimboraka » sur la tête d’amants incestueux, c’est pour les purifier du mal commis.
Cette imposition purificatrice par la bouse peut être faite aussi avec des branchages, des herbes sèches, tous résidus de la vie végétale. L’emploi du « taim­boraka »- abject comme tout excrément mais noble parce qu’il provient du bœuf- dans diverses cérémonies purificatoires à Madagascar, « se justifie en tant que seul immondice compatible avec la dignité humaine » (le magistrat-ethnologue Hébert).
Le « ziva » (allié à plaisanterie) ne se fait pas faute de recouvrir aussi de branchages le cadavre de son allié lorsqu’il vient lui rendre une dernière visite. Et il le traîne vers l’ouest, direction impure. Ces divers rites ont pour but de salir, de déprécier, d’insulter, mais faits par le « ziva », ils acquièrent des effets contraires. Car l’allié fait tout l’opposé de ce qui devrait être normalement fait. « Ses gestes sont interprétés a contrario: s’il déprécie, c’est qu’il vénère ; s’il insulte, c’est qu’il prie ».
Ainsi le rôle de l’insulte est primordial entre parents à plaisanterie et pour les Malgaches, le chien est la créature la plus immonde qui soit. « Il y a vraisemblablement là une influence arabe. Quoi qu’il en soit, sa présence dans les cérémonies religieuses est impensable ». 
Pourtant, c’est justement un chien que se permet de présenter un « ziva » lorsqu’il est prié d’assister à de telles cérémonies. « On a même vu des ziva jeter un chien sur le corps de leur allié défunt ». Dans le langage grossier des « ziva », c’est l’appellation de « chien » ou de « chien crevé » qui revient le plus souvent. Une seule insulte, disent les Antemoro et les Sakalava, est prohibée entre « ziva », c’est celle de « tay », merde. C’est pourtant courant dans la bouche des Malgaches, et l’on entend aussi bien prononcer entre gens de même classe d’âge qu’entre générations différentes, que ce soit de parents à enfants ou d’enfants à parents.
Dans le même ordre d’idées, les « mpiziva » (parents à plaisanterie) doivent employer entre eux un tutoiement spécial, injurieux: « ialahy » entre hommes, « itena » entre femmes. C’est en principe le tutoiement employé vis-à-vis d’un inférieur, quoique « ialahy » indique souvent aujourd’hui la camaraderie. « C’est qu’entre camarades, entre alliés à plaisanterie, il est de règle de s’injurier, de s’insulter ».
Cette faculté de libre-parler accordée aux « ziva » peut également avoir un rôle secondaire. Il l’est lorsque l’allié fustige la paresse, la pauvreté du « ziva » qui vient quémander auprès de lui. 
Il l’est encore chez les Ka­jemby à l’occasion de la cérémonie-du-bout-de-l’an (handrobe), quand les alliés à plaisanterie ridiculisent les parents du mort que le chagrin empêche de profiter de l’abondance de nourriture. « C’est ainsi qu’au travers des insultes se fait parfois entendre la voix du bon sens et d’une saine sagesse ».
L’insulte du « ziva » a donc bien un rôle de purification. Ce­pendant, ses effets s’adressent à autrui et non à lui-même. « Il n’est purifié, ainsi que les siens, que par l’insulte de ses alliés ». Car la purification mutuelle se fait entre « fatidrà ». Lien du sang qui, selon le Dr Fontoynont, « présente une particularité curieuse : en cas de maladie ou décès de parents, c’est celui sur quoi s’acharne l’adversité qui donne la bénédiction au sakatovo (lié par le fatidrà) ».
L’explication donnée est que le sang de ce dernier se met en révolte lors des égarements du patient et provoque des calamités dans son entourage. En donnant le « fafirano» au partenaire valide, on apaise son sang ingurgité.

Extrait l’Express de Madagascar – Samedi 25 février 2012

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