Histoire 15 janvier 2010

Notes du passé – Morts plus de faim que de grippe

Notre précédente Note a montré que plusieurs facteurs ont provoqué un taux élevé de mortalité dans la population malgache à cause de la grippe espagnole de 1919...

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Notre précédente Note a montré que plusieurs facteurs ont provoqué un taux élevé de mortalité dans la population malgache à cause de la grippe espagnole de 1919.
Parmi ces facteurs, l’absence de soins et plus encore d’encouragements et de conseils du fait d’un grand nombre du personnel médical et para-médical atteint par le paludisme.
Un médecin de Vatomandry donne d’une visite qu’il a faite au village d’Anosibe, dans l’intérieur de la province à la lisière des Hauts-plateaux, une description hallucinante.
« Pas une case dont les habitants ne fussent malades; pas un seul assez valide pour aller chercher du bois à la forêt ou pour piler le riz. Dans le village, c’est le silence complet, troublé seulement par des quintes de toux ».
Dans les cases, en tirant la porte, « on n’aperçoit tout d’abord personne. Puis en appelant, on voit quelques formes humaines s’agiter sous des rabanes dont elles sont déjà enveloppées comme d’un linceul. Les yeux hagards, elles acceptent à peine de porter attention à cet intrus qui vient de secouer dans un sommeil qui paraissait être le dernier. Puis quand elles se rendent compte que c’est le médecin Vazaha, elles se traînent jusqu’à lui dans un geste éploré, en criant d’une voix sépulcrale: Marary, Vazaha, marary ».
En fait, selon le médecin français, très peu de personnes sont gravement atteintes, même si toutes paraissent mourantes tant l’idée du danger les persuadent d’une fin prochaine. « Aucune énergie ne subsiste en elles, pas même celle de chercher à satisfaire leur faim. Il semble qu’elles soient résignées à la mort et qu’elles aient décidé de l’attendre sous leurs rabanes, qu’elle vienne de la maladie ou du manque de nourriture ».
Il faut dire qu’en voyant leurs voisins disparaître en grand nombre et si vite, ils croient que quiconque est frappé, doit succomber. Pour eux, « c’est la malédiction du Zanahary, châtiment inévitable: comme tout le village est frappé, il doit disparaître ». Et pourtant d’après ce médecin, il aurait suffi « d’une parole du médecin ou d’une distribution de fanafody (médicaments) pour que les visages s’éclairent et que l’espoir renaisse ».
À Fianarantsoa également, le médecin français affirme qu’un assez grand nombre de Malgaches sont littéralement morts de faim. Il trouve « dans la ville indigène, une famille de huit personnes sans vivres depuis trois jours. Les voisins l’avaient déclarée en quarantaine et ne la connaissaient plus ».
Critiquant ce genre d’attitude « peureuse », « La Tribune » d’Antananarivo publie un pamphlet: « Armé d’un vaporisateur- sans attendre que l’on s’explique-il (le peureux) aspergeait le visiteur- d’un désinfectant énergique.- Se gorgeant d’un pyramidon- se bourrant de quinine- il se meurtrissait le tampon- le conduit de chaque narine.- Tout le jour vous l’auriez pu voir- avec un affreux stoïcisme- la bouche sur un entonnoir- ou roulant quelque gargarisme…- Et pour s’en aller à dix pas- à présent s’affublait d’un masque».
Décrivant les malades, le même fabuliste écrit: « Tous couchés, des points dans le dos- le front lourd, l’âme défaillante- nous étions brisés jusqu’aux os- atteints d’une fièvre incessante ».
Et pour parer au plus pressé, il traduit ainsi les indications vulgarisées par l’administration, notamment pour éviter tout refroidissement: « Allumons un brasier d’enfer- supportez-moi six couvertures- et pour mieux vous brûler la chair- avalez du rhum sans mesure.- Avec un excès de chaleur- nous ferons fendre l’escogriffe;- lorsque vous serez en sueur- vous échapperez à sa griffe».
Enfin vient la convalescence: « Après huit jours de traitement- de ventouses, de cataclasmes…- un matin de soleil brillant- le visage plus blanc qu’un marbre- je m’en fus encore chancelant- prendre l’air sous les premiers arbres ».

Extrait  l’Express de Madagascar – Edition n° 4514 du 15-01-2010

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